mercredi 26 août 2009

PROGRAMME DE LA TROISIEME ANNEE (2009-2010)



1.De Paris à New-York : l'expressionnisme abstrait.
2.Le Pop-Art et les Hyperréalistes.
3.Les "retombées" en France : les Nouveaux réalistes, Support-Surface, BMPT, etc.
4.Les nouveaux modes d'expression artistique : installation, performance, happening, body-art, land-art, etc.
5.Le "retour" à la peinture.




mardi 25 août 2009

TABLE DES MATIERES ET DES LIENS

HISTOIRE
L'ART ROMAN (1) CHAPITRE 1 : L'ARCHITECTURE ROMANE
L'ART ROMAN (2) CHAPITRE 2. LA SCULPTURE ROMANE
L'ART GOTHIQUE (1) CHAPITRE 3. L'ARCHITECTURE GOTHIQUE
L'ART GOTHIQUE (2) CHAPITRE 4. LA SCULPTURE GOTHIQUE : CARACTERISTIQUES
L'ART GOTHIQUE (3) CHAPITRE 4. LA SCULPTURE GOTHIQUE : ICONOGRAPHIE 1. LA FORME 2. LE CONTENU L'ART GOTHIQUE (4) CHAPITRE 5 LE GOTHIQUE INTERNATIONAL ET LA RENAISSANCE DANS LE NORD, XV°S (OU LES PRIMITIFS FLAMANDS).
LA RENAISSANCE (1) CHAPITRE 6. LA RENAISSANCE EN ITALIE :LA PERSPECTIVE
LA RENAISSANCE (2) CHAPITRE 7. LA RENAISSANCE EN ITALIE : LA RENAISSANCE CLASSIQUE : XIV-XV° Siècles.
LA RENAISSANCE (3) CHAPITRE 8. UN ARTISTE DE LA RENAISSANCE : LEONARD DE VINCI (1452 – 1519)
LA RENAISSANCE (4) CHAPITRE 9. LES PEINTRES DE LA RENAISSANCE CLASSIQUE (XIV-XV°S)
LA RENAISSANCE (5) CHAPITRE 10. LA RENAISSANCE MANIERISTE XVI°S
LA RENAISSANCE (6) CHAPITRE 11. LA RENAISSANCE MANIERISTE XVI°S : LES ARTISTES LE XVII°SIECLE (1) CHAPITRE 12 LA PEINTURE REFORMEE : LE XVII°SIECLE AUX PAYS-BAS
LE XVII° SIECLE (2) CHAPITRE 14. LE CLASSICISME : le XVII°SIECLE
LE XVII° SIECLE (3) CHAPITRE 14 (suite) BAROQUE ET CLASSICISME : le XVII°SIECLE : LES ARTISTES

PARENTHESE : L'ICONOGRAPHIE
ICONOGRAPHIE (1 et 2) CHAPITRE 15 ICONOGRAPHIE 1 : LES SAINTS 2 : LES PROPHETES
ICONOGRAPHIE (3) CHAPITRE 16 ICONOGRAPHIE 3 : LES HEROS MYTHOLOGIQUES
ICONOGRAPHIE (4 et 5) CHAPITRE 17 ICONOGRAPHIE 4 : LES SCENES FREQUENTES CHAPITRE 18 : ICONOGRAPHIE 5 : LE NU

REPRISE DE L'HISTOIRE
LE XVIII° SIECLE (1) CHAPITRE 19 LE ROCOCO - CHAPITRE 20 LE "GENRE MORALISANT"
LE XVIII° SIECLE (2) CHAPITRE 21 LA NATURE MORTECHAPITRES 22 & 23 LE NEOCLASSICISME
LE XVIII° SIECLE (3) CHAPITRE 24 LA SCULPTURE NEOCLASSIQUE
LE XVIII° SIECLE (4) CHAPITRE 25 LE NEOCLASSICISME. (fin) CHAPITRE 26 LE ROMANTISME (1)
LE XIX° SIECLE (1) CHAPITRE 26 LE ROMANTISME (2) CHAPITRE 27 DANS LES MARGES DU ROMANTISME : PRERAPHAELISME & SYMBOLISME
LE XIX° SIECLE (2) CHAPITRE 28 LE NATURALISME ET LE REALISME
LE XIX° SIECLE (3) CHAPITRE 29 L’IMPRESSIONNISME 
LE XIX° SIECLE (4) CHAPITRE 29 & 30 : L'IMPRESSIONNISME (2) CEZANNE (1) 
LE XIX° SIECLE (5) CHAPITRE31 : LE NOUVEAU MONDE DE LA PEINTURE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ESPACE (1) : CEZANNE 
LE XX° SIECLE (1) CHAPITRE 32 : LE NOUVEAU MONDE DE LA PEINTURE 2. LA COULEUR : LE FAUVISME CHAPITRE 32 (suite) : L’EXPRESSIONNISME 
LE XX° SIECLE (2) CHAPITRE 33: LE NOUVEAU MONDE DE LA PEINTURE 3. L'ESPACE : LE CUBISME (1) 
LE XX° SIECLE (3) CHAPITRE 33: LE NOUVEAU MONDE DE LA PEINTURE 3. L'ESPACE : LE CUBISME (2) 
LE XX° SIECLE (4) CHAPITRE 34 : LE NOUVEAU MONDE DE LA PEINTURE (3). L'ESPACE (3) MATISSE ET PICASSO
LE XX° SIECLE (5) CHAPITRE 34(suite) LE NOUVEAU MONDE DE LA PEINTURE (3). L'ESPACE (3) MATISSE ET PICASSO (2).
LE XX° SIECLE (6) CHAPITRE 35 & 36 : LE NOUVEAU MONDE DE LA PEINTURE (4) : L'ART ABSTRAIT, LE SURREALISME. LE XX° SIECLE (7) CHAPITRE 37 LA REVOLUTION DUCHAMP
LE XX° SIECLE (8) CHAPITRE 38 L’EXPRESSIONNISME ABSTRAIT (1) 1942-1952 
LE XX° SIECLE (9) CHAPITRE 38(suite) L’EXPRESSIONNISME ABSTRAIT : DEUXIEME GENERATION
LE XX° SIECLE (10) CHAPITRE 39LA FIN DE L’AVANT GARDE : VERS UN NOUVEAU "REALISME" : LA DISPARITION DE L'ARTISTE.
LE XX° SIECLE (11) CHAPITRE 40 LES NOUVEAUX REALISTES
LE XX° SIECLE (12) CHAPITRE 41 LE POP ART LE XX° SIECLE (13) CHAPITRE 42 L’HYPERREALISME 
LE XX° SIECLE (14) CHAPITRE 43 : LA MISE A MORT DE LA PEINTURE : BMPT (1967) ; SUPPORT / SURFACE (1969 – 1972) ; GRAV (1960 – 1968).
LE XX° SIECLE (15) CHAPITRE 44 : LA DESTRUCTION DE L’OBJET (1) : LE MINIMALISME
LE XX° SIECLE (16) CHAPITRE 45 LA DESTRUCTION DE L’OBJET (2) : L’ART CONCEPTUEL 
LE XX° SIECLE (17) CHAPITRE 46. BODY ART ET PERORMANCE
LE XX° SIECLE (18) CHAPITRE 47 LAND ART ET EARTH ART 
LE XX° SIECLE (19) CHAPITRE 48 LE “RETOUR” A LA FIGURATION 
LE XX° SIECLE (20) CHAPITRE 49 LE POSTMODERNISME
XX ET XXI°SIECLES(1) CHAPITRE 50 L'ART CONTEXTUEL
XX ET XXI°SIECLES (2) CHAPITRE 51 LA PEINTURE CONTEMPORAINE (1)
XX ET XXI°SIECLES (3) CHAPITRE 52 LA PEINTURE CONTEMPORAINE (2)
XX ET XXI°SIECLES (4) CHAPITRE 53 LA PEINTURE CONTEMPORAINE (3)

DOSSIERS
LA PERSPECTIVE EN PEINTURE
LA FEMME ENIGMATIQUE
LE CRI
DE L’USAGE POLITIQUE DU NEOCLASSICISME : NAZISME ET STALINISME
DOULEURS, SOUFFRANCE ET SPIRITUALITE.
LE MIROIR (LA FEMME) LA PEINTURE 
HORS D’ŒUVRE : ORDRE ET DESORDRES DE LA NOURRITURE... 
FIGURATION (ABSTRACTION) DEFIGURATION 
LES SIX REGARDS SUR L'OEUVRE D'ART

BIBLIOGRAPHIE : LISTE DES OUVRAGES CONSULTES

lundi 24 août 2009

LE XX°S CHAPITRE 37 : LA REVOLUTION DUCHAMP

CHAPITRE 37 LA REVOLUTION DUCHAMP
Jacques ROUVEYROL



INTRODUCTION : LES PREJUGES.

1. Préjugé 1 : "A l'art contemporain, on ne comprend rien".


Ci-dessous, Le Baiser de l'artiste (performance) 1977 d'Orlan. On introduit une pièce dans la fente et on reçoit en échange un baiser de l'artiste.



A quoi l'on peut répondre qu'à l'art médiéval, sans le secours d'une sérieuse connaissance de la
Bible et des ouvrages savants des théologiens de l'époque, on a seulement l'impression (naturellement fausse) de comprendre (Voir Cours de Première année, chapitres allant du XII° au XV° siècle). Pas davantage, sans une connaissance certaine de la mythologie grecque et romaine voire de l'histoire de l'antiquité, on n'accède véritablement aux oeuvres de la Renaissance, du classicisme, du baroque, du néo-classicisme, du romantisme, etc.

Sans doute faut-il, pour parvenir à la compréhension de l'art contemporain, un
effort analogue à celui qu'il a fallu fournir pour entrer dans le secret des époques antérieures.

On dira, "mais l'impressionnisme, c'est immédiatement accessible" ? Et l'on se trompera encore puisqu'on n'y verra que ce que le regard que nous a donné l'art classique nous permet de voir et que, précisément à cause de cela, on n'y verra pas directement l'essentiel :
le refus de la représentation par la peinture (Voir cours de Deuxième année).


2. Préjugé 2 : "L'art contemporain, ce n'est pas beau".

Ci-dessous Femme de Günter von Hagens.



On fera observer que les chapiteaux de la période romane ne sont pas beaux non plus et n'ont pas été conçus et réalisés pour l'être.
C'est qu'on s'abuse énormément sur la question de la beauté dès lors qu'on croit qu'elle est ce qui définit une oeuvre d'art.

L'art du Moyen-Âge ne cherche à aucun moment la beauté. Il est une manifestation du
sacré dans ce monde, ce qui lui confère une valeur autrement plus importante.
Mais, même lorsque la
beauté devient l'objet de l'art (en Italie, au XV° siècle), sa définition est sujette à de très nombreuses variations : au XV° siècle, c'est l'harmonie (comme en Grèce auparavant et comme, ensuite, aux XVII°, XVIII° siècles) qui définit la beauté. Mais, au XVI° siècle maniériste, c'est la grâce ; pour le romantisme, au XIX° ce sera le sublime.
Le réalisme du XIX° s'en soucie comme d'une guigne, son objectif étant la
vérité.
C'est parce que notre culture de base est anachronique, parce que nous regardons avec des yeux du XVII° ou du XVIII° siècles, que nous croyons que l'objet de l'art est la beauté. Il l'a été.
Il ne l'est plus.

Il faudra tenter de voir quel est (ou quels sont) le (ou les) objectif(s) de l'art contemporain.






3. Préjugé 3. "Bien souvent, l'art contemporain, ça ne représente rien".

Faut-il rappeler qu'un tympan, un chapiteau roman ne "représentent" rien non plus. Qu'on a affaire à une écriture ou à des symboles qui renvoient à un monde (un au-delà) précisément non représentable (voir comment les Annonciations des XV° et XVI° siècle "démontrent" l'irreprésentabilité (si l'on peut dire) de ce dont il est question en elles : l'incarnation) ?

C'est l'art issu de la Renaissance qui fait (avec la "fenêtre albertienne") de l'art une
représentation (en trois dimensions) du monde et des événements qui se déroulent sur son "théâtre".

Mais déjà avec Manet et son
Olympia, la représentation est répudiée (voir Cours de Deuxième année). Ce n'est pas une femme allongée que Manet peint sur sa toile. Il y assemble (selon l'expression de Maurice Denis) des couleurs. Un point c'est tout. Suivi en cela par tout l'art abstrait qui se constitue précisément dans le refus de la représentation.

Tout cela n'empêche pas que l'art contemporain puisse
être beau. Le Puppy Bilbao de Koons (comme l'Eve d'Autun du XII°s) est beau dans le renouvellement de ses couleurs à chaque saison.

Cela n'empêche pas que l'art contemporain puisse
représenter. Les oeuvres des hyperréalistes représentent en effet ... non pas les choses, il est vrai, mais leurs images.

Ainsi, l'art contemporain a à voir avec
autre chose que la beauté ; avec autre chose que la représentation. Avec quoi ?



Le tableau de Currin représente en effet. Mais, en quoi est-il contemporain ? Sa parenté avec l'univers féminin d'un Cranach est pourtant manifeste.

Mais,
qu'on se pose la question de sa contemporanéité est déjà une reconnaissance de celle-ci. La question est la preuve qu'on trouve "anormale" sa production actuelle. C'est le signe, par conséquent, qu'on a déjà l'idée que l'art contemporain a à voir avec autre chose que la beauté, avec autre chose que la représentation. Alors, de nouveau, avec quoi ?



II. ORIGINE DE L’ART CONTEMPORAI N


D’où vient l’art contemporain ? Comment et de quoi est-il né ?

1. Dada (1916-1925)


Dada est un mouvement radical. C’est une remise en cause globale des valeurs esthétiques, morales, politiques, religieuses, évidemment, idéologiques.

C’est l’affirmation :
a. de la valeur de l’extravagance.
La valeur vient à l’œuvre de sa non-conformité (aux mœurs, aux goûts, aux comportements, aux idées ordinaires.). "Extra-vaguer", c'est errer hors du chemin (hors des "sentiers battus", de la voie rectiligne d'une raison sans fantaisie) Ainsi, par exemple, de Cadaeu (1921 Tate Gallery, Londres) de Man Ray qui se trouve être un fer à repasser dont la semelle est munie de pointes ! Ainsi encore de cet « événement » de Philippe Soupault, le poète, qui accroche au mur un miroir auquel il donne pour titre : Portrait d’un Imbécile. Ou encore cette Sainte Vierge de Picabia (1920) qui consiste en grosses taches d’encre avec éclaboussures. Ou enfin Duchamp Prière de toucher (1947 Emboîtage du catalogue de l’exposition Le Surréalisme de 1947, (caoutchouc mousse sous verre). L’extravagance ne venant pas de la présentation d’un sein de caoutchouc ni même du « prière de toucher » qui l’accompagne et qui va à l’encontre de l’impératif mille fois répété sur le mur de tous les musées du monde, mais bien plutôt de la barrière de verre qui empêche précisément qu’on puisse se rendre à l’injonction de toucher.



b. La référence allusive.

La valeur vient à l’œuvre, en outre, de la référence à un passé qu’elle exclut. Faire des taches sur une feuille de papier est à la portée du premier écolier venu. Pour qu’il s’agisse d’une œuvre d’art, il faut encore que l’écolier ait conscience de ne pas faire simplement des taches. Nommer « La Vierge Marie » cet ensemble de taches, c’est faire allusion à tout un passé de représentations de la Vierge dont on est bien conscient qu’elle, immaculée justement, ne se résume nullement à quelques pâtés d’encre. De la même façon le « Prière de toucher » de Duchamp est aussi un renvoi à ce thème religieux très fréquent dans la peinture depuis le Quattrocento : le « Noli me tangere » représentant Marie-Madeleine tendant la main vers le corps ressuscité du Christ devenu intouchable. Du même ordre, de Duchamp L.H.O.O.Q. ( 1919 ) qui est une carte postale surchargée de ce titre et qui représente La Joconde affublée d’une légère moustache et de quelques traits de barbe. Extravagance et allusion, tout ensemble.

c. La valeur vient aussi à l’œuvre d’un détournement de l’usage.
- Détournement de l’usage de l’œuvre d’art elle-même : Les deux Enfants sont menacés par un Rossignol de Max Ernst est un tableau agrémenté d’une barrière de bois collée ainsi que d’une sorte de loquet qui apparente l’œuvre à un jouet d’enfant.
- Détournement de l’usage d’objets justement usuels, comme la pelle à neige de Duchamp

.2. Le ready-made.

Voici donc un objet “tout fait”, “déjà fait”, “tout prêt ». Un sèche-bouteilles, une pelle à neige, un urinoir :
Fontaine de Duchamp (1917).
Le
ready-made c’est l’affirmation de la non-valeur de « l’œuvre d’art ». Ou l’affirmation selon laquelle tout est de l’art. C’est avec lui, sans doute, que commence vraiment l’art contemporain. Contre le moyen-âge, il n’y a plus de sacré. Contre le classicisme, il n’y a plus de beauté. Contre le romantisme, il n’y a plus de sublime. Contre le réalisme et le néoplasticisme, il n’y a plus de vérité. Contre le surréalisme, il n’y a plus de sens caché.




3. La performance.

On l’a vu plus haut, Philippe Soupault, poète dadaïste, accroche au mur un miroir auquel il donne pour titre :
Portrait d’un Imbécile. Cela veut dire qu’une action peut, en elle-même, aussi être une œuvre d’art. Pas seulement un objet, mais aussi une action.

4. Fluxus (1962 - …)

Fluxus n’est pas à proprement parler à l’origine, puisqu’il débute vers 62. Mais il est une évolution de Dada d’une très grande importance pour l’art contemporain.
Pour Fluxus, comme pour Dada, pour Duchamp, «
tout est art ». Ceci est le point de départ. Le point d’arrivée, c’est le Non-art ou l’Anti-art. Soit un porte-bouteilles. Je le peins aux couleurs de la France, par exemple, et l’expose en galerie ou au musée. C’est une œuvre d’art, une sculpture. Le porte-bouteilles a perdu sa valeur d’usage mais gagné une valeur esthétiqueSupposons maintenant que je fasse l’acquisition de ce porte-bouteilles au Bazar de l’Hôtel-de-Ville de Paris et que je l’expose tel quel en galerie ou au musée (ce que fait Duchamp), l’objet est devenu une œuvre d’art mais a perdu et sa valeur d’usage et toute valeur esthétique. Avec Dada, « tout est art ».

Voici que, pour finir, ayant acheté l’objet, je l’utilise comme un porte-bouteilles (dans une galerie ou un musée). Il perd toute valeur esthétique en retrouvant sa valeur d’usage. Voici le « non-art » de Fluxus.




En musique, par exemple, John Cage considère que les sons entendus pendant les silences inscrits sur la partition, participent de la musique tout autant que les notes qui figurent sur la portée. Aussi organise-t-il des concerts dans lesquels les seuls sons entendus sont les sons réputés « parasites » dans les concerts classiques (toux, bruits de chaises qui craquent, etc.).
Par exemple 4’33’’ for large orchestra (télécharger)



a. Les events
Fluxus invente les Events (les Evénements). Un geste ou une série de gestes souvent de la vie quotidienne (des gestes aussi banals que l’est un porte-bouteilles ou une pelle à neige). Ce geste est accompli et constitue un événement. Voici un event de Gorge Brecht, par exemple :

2 exercices, automne 1961:

Considérez un objet. Appelez ce qui n'est pas l'objet
"autre". Ajoutez à l'objet, de "l'autre",
un autre objet, pour former un nouvel
objet et un nouveau
"autre". Répétez jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de "l'autre
«Enlevez une partie de l'objet et ajoutez-le à
"l'autre" pour former un nouvel objet et un nouveau
"autre". Répétez jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de "l'autre".
Ou encore cet Hommage de Maciunas à La Monte Young du 12 janvier 1962:
Effacer, gratter ou laver aussi bien que possible toute ou toutes les lignes
de la Monte Young dessinée(s) précédemment, ou tout autre ligne rencontrée comme
des lignes de rues qui divisent, du papier émargé ou des lignes de partition, des lignes sur des terrains de sport ou des tables de jeu, des lignes dessinées par des enfants sur des trottoirs etc.



b. Le mail-art.
Fluxus innove encore avec le
mail-art. Son inventeur en 1962 est Ray Johnson qui fonde la New-York School of Correspondence. L’art, devenu non-art, doit s’échanger librement, hors du circuit des galeries et des musées : donc par la poste. Avec timbres et cachets fabriqués par l'expéditeur, collages et découpages de matériaux divers. Ci-dessous : Ray Johnson Mixed media collage on card from a 1968 mailer to V.Romano.





c. Le rejet de la culture.
Il ne doit pas y avoir besoin de connaître l’histoire de l’art pour accéder aux œuvres. Le caractère allusif qu’on trouvait chez Dada est ici à proscrire. Si le porte-bouteilles doit retrouver son usage, il importe qu’une «œuvre» soit immédiatement compréhensible (sans le détour par toute l’histoire de l’art).
Ainsi, par exemple :
27 Sounds manufactured in Kitchen de John Cage (télécharger)


.............................................................................*

Ainsi, avec Dada dès 1916, avec Fluxus en 1962 on assiste à une remise en question totale de ce qu’a été l’art depuis l’origine ( sacré en Egypte et au Moyen-Âge, esthétique en Grèce et en Occident depuis la Renaissance).

- L’art n’a plus à être
beau.
- L’art n’a plus à r
eprésenter le monde.
- L’art ne se limite plus à des
sujets culturellement valorisés.
- L’art ne limite plus son
expression à peinture, sculpture, architecture.
- Un
objet (n’importe lequel), une action (n’importe laquelle), un comportement, et même … rien peuvent être de l’art.


Peuvent


III. REDEFINIR L’ŒUVRE D’ART


Tous les urinoirs ne sont pas des œuvres d’art.
Tous les urinoirs
peuvent devenir des œuvres d’art.
Comment la
valeur esthétique vient-elle aux objets pour en faire des œuvres d’art ? Telle est bien la question.

1. L’impasse Fluxus.

Tous les urinoirs
sont des œuvres d’art. Cela revient à affirmer qu’il n’y a pas d’œuvre d’art. Si l’œuvre d’art ne se distingue pas de l’objet usuel (ne serait-ce qu’en lui faisant perdre son usage, justement) alors il n’y a que des objets usuels.
Telle est l’impasse dans laquelle s’enferme Fluxus.
Si tout est art, rien n’est art et il n’y a plus d’art.

2. La limite de Dada.

Tous les urinoirs
ne sont pas mais peuvent devenir des œuvres d’art. Il y a donc quelque chose qui distingue l’œuvre d’art de l’objet usuel. Quoi ?

a. D’abord, un second urinoir est impossible. Ou il ne sera que la réplique du premier. Duchamp, après que celui, original, de 1917 ait disparu en fait faire huit répliques en 1964. Cela veut dire que plus que l’objet lui-même, c’est le geste qui l’intronise œuvre d’art qui fait la valeur de l’œuvre. On verra comment, dans l’expressionnisme abstrait, par exemple, puis dans des mouvements comme Support-Surfaces ce sont les conditions d'effectuation de l’œuvre (le geste de peindre, pour les premiers, les supports de la peinture, pour les seconds) qui deviennent primordiales dans la production artistique. Autrement dit l’originalité (au sens strict) est la première condition d’une œuvre d’art. Rappelons que cela n’a pas toujours été le cas et qu’au Moyen-Âge roman elle était justement ce qu’il y avait à exclure (voir Cours de Première année).

b.
Fontaine se présente comme un urinoir renversé. Autrement dit qui a perdu sa valeur d’usage. Ainsi, linutilité est la seconde condition de l’œuvre d’art (ce que Kant nommait « la finalité sans fin »). Moyen-Âge excepté, une fois encore.

c.
Fontaine présenté par Duchamp en 1917 pour une exposition libre sans jury pour sélectionner les œuvres, est malgré tout refusée. Il faut dire que l’œuvre est présentée sous un pseudonyme parfaitement inconnu. Elle ne sera « validée » que lorsqu’on en connaîtra l’auteur. Ce qui signifie que l’œuvre d’art a pour troisième condition la reconnaissance. Il faut que l’artiste soit déjà reconnu (par ses pairs, le public, le marché, les critiques, les collectionneurs). De fait, le 17 novembre 1999, un exemplaire de Fontaine se vend chez Sotheby’s 1,677 millions d’euros. De fait, encore, en 2007, Beaubourg réclame 2,8 millions d’euros de dommages et intérêts à Pierre Pinoncelli pour avoir endommagé un Urinoir au moyen d’un coup de marteau.

III. Que deviennent les Beaux-Arts ?

Peinture, sculpture, ne disparaissent pas pour autant, mais connaissent également un bouleversement radical. C’est ce bouleversement qu’il nous faut à présent étudier
.


LE XX°S CHAPITRE 38 : L'EXPRESSIONNISME ABSTRAIT

CHAPITRE 38 L’EXPRESSIONNISME ABSTRAIT  (1) 1942-1952
Jacques ROUVEYROL




I. LES CONDITIONS


Au début des années 30, les Etats-Unis connaissent la grande dépression. A cette époque, deux courants dominent la scène artistique américaine qui est loin d’avoir le rayonnement de la scène artistique parisienne. Si New-York va bientôt devenir la capitale mondiale de l’art, elle est loin de pouvoir rivaliser avec Paris à ce moment. Les deux courants qui dominent la peinture américaine à l’époque sont donc : le régionalisme et le socio-réalisme (on évitera « réalisme social » qui est trop proche du « réalisme socialiste » qui règne en Union Soviétique et qui est bien trop « socialiste » pour la mentalité américaine)

1. Le régionalisme.

John Stuart Curry Baptism in Kansas 1928 (Whitney Museum of Art, New York), ci-dessous, mais aussi Grant Wood, Benton Thomas sont sans doute les plus importants de ces peintres qui mettent en scène la vie quotidienne de l’Amérique « profonde ».


2. Les socio-réalistes.

William Gropper, Andrew Whyet, Reginald Marh (voir ci-dessous Why not Use the L 1930 Akademie der Künste Berlin) peignent à leur tour la réalité quotidienne de la vie, mais de façon plus militante. Autant les régionalistes prennent pour thème la campagne, autant les socio-réalistes prennent la ville pour sujet.




3. Le développement des avant-gardes.
L’art européen a déjà fait son apparition en Amérique. Principalement avec, en 1913, l’ Armory Show, une gigantesque exposition de près de mille six cents œuvres dont un tiers vient d’ Europe et pour ainsi dire de Paris. Cette exposition relance (voire fait naître) le marché de l’art, donne sa base aux grandes collections américaines et ouvre aux artistes américains de nouveaux horizons pour leur propre peinture.

a. L’AAA (American Abstract Artists) 1936-1940

C’est un groupement d’artistes abstraits très influencés par la peinture européenne, en particulier par le cubisme (Braque, Picasso) et l’abstraction géométrique (le néoplasticisme, surtout, de Mondrian). On y rencontre des artistes comme Ad Reinhardt, Albert Gallatin, Charles Show (influencé par Miro), Fritz Glarner, Harry Holtzmann (ci-dessous Sculpture 1940 Carnegie Museum of Art, Pittsburgh Pennsylvania), , Ilya Bolotowsky (émules de Mondrian) et quelques autres.




c. The Ten (1935-1940)
Il s’agit de s’opposer aussi bien à “l’académisme” de l’abstraction géométrique venue d’Europe qu’au régionalisme américain. Gotlieb, Rothko, Schanker, Ben-Zion (ci-dessous Avocado on Green Plate 1939) pratiquent une peinture plus « brute », moins « finie » que la peinture européenne.




d. Les rejets.
--d1 Il y a d’abord, donc, le rejet du formalisme de l’abstraction géométrique. D’où la question : que peindre ?
--d2; Il y a alors l’acceptation de l’influence surréaliste. Mais pas du surréalisme « formaliste » d’un Dali, d’un Magritte, d’un Delvaux. Bien plutôt celle des « premiers » surréalistes, plus abstraits comme Masson, Matta ou Miro qui pratiquent "l’écriture" automatique.



Toutefois, alors que la référence surréaliste était à l’inconscient individuel Freudien, lequel Freud considérait l’art à peu près comme l’équivalent d’un symptôme névrotique (à ceci près que la sublimation constitutive de la production artistique permet précisément d’éviter le symptôme), la référence des artistes américains va à Jung et à sa théorie d’un inconscient collectif porteur d’archétypes qui sont des schémas de « pensée » très archaïques communs à la quasi totalité de l’humanité et dont les mythes nous donnent des mises en scène.

Il en résulte que le contenu-même de l'œuvre est abstrait. Il n'y a pas de figure pour rendre les émotions primitives de l'être humain (à ce niveau quasi-animal). La psychanalyse de l'enfant (connue à travers la structure psychotique qui constitue, schématiquement, une régression aux âges les plus reculés de l'existence) montre (Mélanie Klein, particulièrement) le morcellement, le chaos qui règne dans l'univers des "objets" sur lesquels s'exercent les pulsions du nourrisson.
Le but de l’œuvre consistera donc à exprimer, avec des moyens abstraits comparables à ceux des peuples «primitifs » (indiens, aborigènes, etc.) ce contenu abstrait : les peurs et les motivations les plus primitives de l’homme. (Ci-dessous d’abord Gottlieb Man Looking at a Woman (1949 MoMA), puis Rothko Rithes of Lilith (1945).



--d3; Il s’agit de voir les choses, les êtres, les événements « comme si c’était la première fois ». D’où les références aux mythes : gréco-romains (Baziottes Cyclope 1947, Rothko Antigone 1941, Gottlieb Le Rapt de Perséphone 1943, Eyes of Œdipus 1945 (ci-dessous), Pollok Pasiphaé 1943.



D’où les références aux indiens ou à d’autres cultures dites « primitives ». Comme, (ci-dessous), Hoffman Idolatress 1944, ou Gottlieb Pictogenic Fragments 1946, Pollock Male and Female 1942, etc.



--d4; L’abstraction et le surréalisme, donc, qui s’opposaient en Europe trouvent en Amérique à s’associer dans un surréalisme abstrait.

Mais :
* L’abstraction y perd son géométrisme (sa « pureté », son « fini », son « intellectualisme »)
* Le surréalisme y perd sa subjectivité (individuelle).


Toutefois, nous ne sommes pas encore dans ce qui va faire l’originalité de la peinture américaine : l’expressionnisme abstrait.
Il y a encore une référence à l’image et au symbole.


II. L’EXPRESSIONNISME ABSTRAIT

--a De l’impressionnisme à l’abstraction, en passant par le cubisme, on a vu le tableau se ramener au plan.
--b Le recours au mythe (la recherche de l’inconscient collectif de l’humanité) comme contenu abstrait du tableau a conduit au rejet du formalisme (européen) dans le surréalisme abstrait.
--c Puisque l’objectif est de ramener à ce contenu primaire et universel, le tableau doit produire un effet immédiat. C’est ce que va permettre l’adoption des grands formats.




Deux grands courants sont à distinguer dans ce qu'on nomme l'expressionnisme abstrait : la courant gestuel et le courant color-field.

1. Le courant gestuel : l’action painting.

a. Le problème :
--a1 Il n’y a pas de représentation. Ceci n'est pas nouveau.
--a2 Mais, et ceci est nouveau, il n’y a pas non plus de structure formelle géométrique (cubisme, néoplasticisme)
--a3; Alors, comment préserver l’unité, la cohérence du tableau ? Une forme ?

b. La réponse :
--b1 Pas de cohérence, mais considérer le tableau comme moment.
--b2 Le tableau est l’expression d’un état émotionnel de l’artiste au moment de sa réalisation. Un autoportrait instantané. Autrement dit, ce n’est pas vraiment le tableau qui compte, mais l’action qui le produit.
--b3 Le tableau se présente alors comme champ émotionnel ouvert, all-over. Il apparaît comme le schéma vécu des tensions de l’artiste. Il est seulement une trace de l’action de le peindre.

c. Jackson Pollock (1912-1956) : le dripping.



Il s’agit pour le peintre d’entrer dans la toile, d’être dans la peinture. Ci-dessous : One (Number 31) 1950 (2695 x 5308) Museum of Modern Art, New York (télécharger). On remarquera les dimensions monumentales de la toile dans laquelle l’artiste a à entrer physiquement.





- Pollock ne commence pas par le dripping, il connaît une première période, jusqu’en 1938, qu’on peut dire d’apprentissage « régionaliste » (donc une période figurative) à la suite de son maître Benton Thomas.
- Puis une période d’apprentissage « mexicaine », sous l’influence des grands muralistes mexicains Orozco et Siqueiros.
- Une période plus « surréaliste » influencée par Masson et alimentée par les mythes au début des années 40.
- C’est entre 1942 et 1946 qu’il découvre l’acte de peindre comme plus essentiel que la peinture : comme un rituel.
- En 1947 apparaît le dripping. C’est une découverte calligraphique majeure.



* Ni image, ni contour, mais un réseau de forces expansives.
* Pas de plans en surface, mais un champ.* Pas de point focal. L’œil est contraint au mouvement (peinture dynamique).
* Avec le dripping on a vraiment tourné le dos à toute la peinture antérieure.
On pourra voir l’artiste à l’œuvre dans la vidéo suivante : http://www.youtube.com/watch?v=vy6Omz1bDPg
* Après 1950, il réintroduit la forme humaine, se rapprochant de De Kooning

d. Wilhem De Kooning (1904-1997)

Avec De Kooning, qui sera sans doute le peintre qui aura le plus d’influence sur la génération ultérieure, on entre dans une peinture gestuelle qui conserve une forme , la forme humaine, mais qui n’en reste pas moins abstraite. Il est l'artiste qui, avec ses Women, tente de donner l'apparence d'une figure au contenu abstrait des expériences primitives. "Figure" disloquée.
Le problème de De Kooning c’est alors de parvenir à concilier le volume du corps (en trois dimensions) avec la surface de la toile (en deux dimensions).
Or, ce problème est susceptible de recevoir trois solutions :

- Aplatir la masse en supprimant le modelé (solution de Matisse déjà anticipée par le tableau inaugural de l’art moderne, l’Olympia de Manet en 1863)



- Morceler le corps en formes anatomiques planaires dispersées sur la toile (solution cubiste).


-Ouvrir les parties morcelées et les fondre avec le fond (synthèse des positions de Matisse et du cubisme).
- Pour créer ce qui sera son style : l’abstraction anatomique à partir de 1947.(Ci-dessous Painting 1948, MoMA)



- Vers 1951, les fragments épars de l’anatomie se rassemblent en une forme humaine reconnaissable : c’est le début de la série des Women. (Ci-dessous : Woman I (192,1 x 147,3) 1950-1952, puis une partie de la série)







Il y a dans ces Women qui ont fait scandale à leur apparition quelque chose d’effrayant. Plus rien des nymphes et des Venus d’autrefois. Une image archaïque de la femme (de la mère) liée à toutes peurs, toutes les angoisses « persécutives » de dévoration, de destruction émanant de la pulsion de mort que Mélanie Klein (fondatrice de la psychanalyse de l’enfant) évoque, on l'a dit plus haut, dans ses écrits sur l’inconscient du nourrisson. Spécialement dans les quatre premiers mois de son existence.
Entre 1953 et 1955, De Kooning retourne à l’abstraction « pure », gestuelle bien sûr, avant de revenir aux Women vers 1960.

e. Hans Hoffman (1880-1966)

Hoffman part du cubisme. Son objectif : ouvrir les formes closes (voir cours de deuxième année : l’opposition entre le champ fermé de la toile chez Picasso et le champ ouvert chez Matisse).

- De 1936 à 1941, une période entre Matisse et cubisme synthétique.



- En 1942, il adopte l’automatisme et donne des œuvres en référence avec les mythes : Idolatress 1 (1944), voir plus haut ; Extasy (1947) University of California, Berkeley Art Museum , ci-dessous.




--> En 1944, il entre résolument en abstraction, jusqu’à la fin de 1958. Ci-dessous The Pond (1958)



- Puis, à partir de fin 58, il en vient à une abstraction géométrique mais avec des empâtements et des discordances de couleurs qu’aucun néo plasticien n’aurait jamais accepté. Ainsi, par exemple, de Rising Moon (1964).




2. Le courant color-field.

a. Le problème :
- Aucune sorte de « représentation » comme on pouvait encore en trouver dans les Women de De Kooning ou les figures mythiques de Pollock ou Hoffman.
- Aucune structure formelle géométrique (cubisme, néoplasticisme)
- Mais de larges étendues colorées
- Comment alors préserver l’unité, la cohérence du tableau ? Une forme ?

b. La réponse :
- Faire en sorte que chaque zone colorée soit ajustée à chaque autre, chacune ayant la même intensité chromatique. Comme on peut le voir dans cette toile de Rothko (1956).



- Comme pour l’action painting, la toile est un champ pour la peinture color-field, et un champ all-over. C’est la couleur, ici, au lieu du geste qui s’approprie la toile.
- L’ ouverture du champ vise à donner une impression d’infinité, renforcée par :
* Un refus des transitions brusques
* Un choix de couleurs de valeurs très proches.




- L’objectif : créer un effet émotionnel. D’où les formats monumentaux exposés dans de petites pièces, obligeant le spectateur à entrer dans la couleur pour en recevoir l’impact.
On a ici presque la même différence qu’entre la télévision et le cinéma. Le regard déborde la première et reste disponible pour d’autres sollicitations. Le regard est enveloppé par l’image sur l ‘écran, dans le second (pour peu qu’on se place comme on doit l’être dans une salle de cinéma, savoir : aux premiers rangs).

c. Clifford Still (1904-1981)
- Il commence l’abstraction en 1943.
- A partir de 1947, il s’efforce d’éliminer de la peinture toutes les associations et réactions conventionnelles ou familières liées à certaines couleurs.



e. Mark Rothko (1903-1970)


-- Vers 1942, il adopte l’automatisme surréaliste. Mais sur la base du mythe. (1942 : La Lune Femme, 1942 : Sténographic Figure, 1942 : Sacrifice of Iphigenia, 1944 : Gethsemane, 1944 : Hierarchical Birds).
- En 1947, il renonce aux idéogrammes et à la calligraphie automatique et laisse « flotter » les couleurs sur la toile. (Ci-dessous : Untitled 1948).




- Comme ces images se « dissolvent » trop facilement, il en vient à des pans de couleur plus rectangulaires, vers 1949 dont il simplifie la structure en 1950 en même temps qu’il passe à une échelle monumentale. Ci-dessous : N°10 (229,2 x 146,4) 1950.



-; Plus tard, les couleurs tendront davantage vers le gris ou le noir et l’ensemble vers le monochrome.




f. Barnett Newman (1905-1970)
- Il a, lui aussi, sa période “mythique” (The Death of Euclid 1947).
- Mais il est à la recherche d’une forme parfaite. Figurative ou non figurative, peu lui importe. Mais parfaite et …, point capital, qui puisse être informe.
« Ni la ligne droite et pure (de l’abstraction géométrique), ni la ligne torturée, déformée et humiliante (expressionniste) », écrit-il. Ce que lui donnera, par exemple, The Euclidian Abyss 1946-1947 (ci-dessous).



- Il faut prendre garde à ceci que la ligne (le « zip ») n’est pas une figure qui se détacherait sur un fond. Les deux aspects du tableau (ligne, masse colorée) sont traités à égalité (c’est la leçon du cubisme analytique).
- Mais cette forme (informe) ce n’est pas dans la ligne que Newman va la trouver finalement, c’est dans la couleur seule que le format monumental rend « efficace » en tant qu’elle a sur le spectateur un impact immédiat et puissant.



3. La reconnaissance.

A la fin des années 40, l’expressionnisme abstrait est reconnu. Voici les signes évidents de sa reconnaissance :
- L’entrée au musée
- Les expositions : Comme Fourteen Americans au MoMA 1946 ou Les Intrasubjectifs 1949
- Les groupements: du type Club de la 8° Rue créé en 1949
- Ou enfin, la Théorisation de l’École de New York par Motherwell.

4. Les derniers peintres gestuels.

Fin des années 40, début des années 50, ce sont les derniers peintres gestuels.
- James Brooks (1906-1922)
- Walker Tomlin (1899-1953)
- Franz Kline (1910-1962) Ci-dessous Untitled (200 x 158,5) 1957 Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Dusseldorf.


- Philip Guston (1913-1980)


5. Conclusion : en quoi l’expressionnisme abstrait est-il contemporain ?

a. On a vu comment la révolution impressionniste puis cézanienne avait été "copernicienne", pour reprendre l'image de Kant (appliquée dans la Préface de la Critique de la Raison Pure à l'opération qu'il entreprend pour la philosophie). Jusque là (peinture issue de la Renaissance) on se bornait à représenter le monde. Avec Manet et toute la suite, on se demande comment une représentation (du monde) est possible ? (Lorsque Seurat peint une toile il montre à la fois, par exemple la Tour Eiffel et l'ensemble des points de peinture qui rendent possible qu'on voie cette Tout Eiffel ; de même que la Tour proprement dite montre toutes les pièces métalliques, tous les rivets qui ont rendu possible sa construction). Avec l'expressionnisme abstrait on fait un pas de plus qui fait apparaître que l'essentiel n'est pas dans le résultat de la construction (la représentation de la Tour, la Tour elle-même) mais dans le processus (l'acte) de construction lui-même.

b. Ainsi, concernant la peinture gestuelle : ce qui se produit sur la toile n’est pas un tableau. Le tableau n’est que la trace d’un événement. Lors d’une performance (celle-ci va apparaître dans les années qui vont suivre) l’artiste est photographié ou filmé dans son action. Le tableau expressionniste abstrait est comme une photographie de la « performance » (de l’action painting) réalisée par le peintre gestuel.

c. Concernant la peinture color-field : ce n’est pas le tableau qui importe, mais l’impact du champ coloré sur la sensibilité et l’émotivité du spectateur. Celui-ci est convié à « entrer dans la couleur » comme il le sera, plus tard, lors d’un happening dans une action "théâtrale" en cours.

La révolution impressionniste devait conduire à l’abstraction en laissant choir la représentation au profit d’une mise en évidence de « la peinture » (voir cours de deuxième année) Cette abstraction est à présent laissée pour compte à une Europe vieillissante.


Ce n’est plus même la peinture qui importe à présent, mais l’acte de peindre (ou de recevoir la peinture). Décidément, il n’y a plus rien à voir sur la toile (sauf le fantôme de sa production).


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LE XX°S CHAPITRE 38 : L'EXPRESSIONNISME ABSTRAIT : DEUXIEME GENERATION

CHAPITRE 38 L’EXPRESSIONNISME ABSTRAIT : DEUXIEME GENERATION

I. L’EVOLUTION

Les années 50 sont encore dominées par la peinture gestuelle (même si De Kooning et Hofmann l’emportent en influence sur Pollock)

La peinture de ces trois peintres est plane, certes (elle exclut perspective et modelé). Mais celle de De Kooning et de Hofmann admet une certaine profondeur: la profondeur plastique.
Chez Hofmann par l’opposition des plans de couleur (technique push and pull). On obtient une impression de volume.
Chez De Kooning, c’est l’anatomie humaine qui impose ses volumes.

Mais il ne s’agit pas d’un « retour » à la peinture classique. A la peinture
représentative.

La profondeur n’est ni celle de la perspective ni celle du modelé. Il doit y avoir du volume, mais on doit demeurer dans le plan.


II. L’IMPRESSIONNISME ABSTRAIT

Le sujet du tableau, avec la première génération, c’était l’artiste. L’expression authentique de ses émotions. But éthique autant qu’esthétique.

La découverte des Monet de l’époque des
Nymphéas a fortement influencé la deuxième génération. C’est encore de l’artiste qu’il sera question, mais de ses « paysages intérieurs ». Des états spirituels sont exprimés dans des évocations de la nature.

1. Un premier courant est directement inspiré des techniques de la peinture gestuelle


a. Helen Frankenthaler (1928 - …)
Verser du pigment dilué sur une toile pour obtenir des taches. Les travailler en les frottant, brossant, épongeant et introduire des éléments linéaires.
Technique gestuelle de réalisation d’un faux espace : « stain-gesture »
Pour donner naissance à des paysages intériorisés qui sont des abstractions lyriques. (Ci-dessous L’Echelle de Jacob 1957 MoMA)



Le terme-même : « impressionnisme abstrait » n’est pas vraiment adéquat. L’impressionnisme est abstrait dès l’origine.
Cela, simplement, devient évident avec les impressionnistes abstraits.

Ce qui différencie vraiment l’impressionnisme abstrait de l’impressionnisme tout court, c’est que les seconds trouvent dans la nature (les paysages extérieurs) leur inspiration alors que les premiers la rencontrent dans des états spirituels (des paysages intérieurs).

b. Joan Mitchell (1925 – 1992)

Elle part de souvenirs de paysages et peint la métamorphose que sa subjectivité leur fait subir.(Ci-dessous : Untitled 1960)

c. Milton Resnick (1917 - 2004)
Unicorn 1959



2. Un second courant s’inspire de la tendance color-field.

a. Ernest Briggs (1923 - 1984)
C’est un courant plus raffiné, plus lyrique que le courant d’inspiration gestuelle.
Number 73 1955




b. Edward Dugmore (1915 –1996)
15 P 1959



c. Jon Schueler (1916 –1992)
A Field in the Morning 1957



d. Sam Francis (1923 – 1994)In Lovely Blueness 1955 57 Paris,Centre Pompidou





III. LE REALISME GESTUEL

C’est une peinture figurative, mais aux look painterly et attachée à la facture gestuelle.

a. Larry Rivers (1923 – 2002)
Il est à mi-chemin entre l’abstraction gestuelle et le nouveau réalisme auquel il reproche de recopier la nature. Washington Crossing the Delaware 1953 New York, MoMA


b. Grace Hartigan (1922 - 2008)

Elle se convertit en 1952 au réalisme gestuel avant de revenir en 1957 à l’abstraction.
Chinatown 1956 Hirshhorn Museum & Sculpture Garden





c. Robert Goodnough (1917 - …)
C’est un réaliste gestuel des plus abstraits et inspiré par le cubisme.

Ainsi,
-La composition est géométrique,
-La facture est gestuelle
Comic Adventure 1963-1964



d. Jan Müller (1922 –1958) White House on a Hill 1956




e. Lester Johnson (1919 - …)
Broadway Street 1962



Cette deuxième génération d’expressionnistes abstraits n’invente pas, à proprement parler, elle consolide plutôt les acquis de la première génération.

D’elle, elle a gardé ou le gestualisme ou le color-field. Elle a gardé, bien sûr, l’abstraction. Elle a gardé enfin les grands formats. Si l’influence de Monet (par les Nymphéas) se fait sentir, c’est que les Nymphéas sont des grands formats, sont abstraits et ressemblent davantage à des rêveries, des paysages intérieurs qu’à une peinture encore un peu naturaliste.
L’invention, elle va venir du renoncement à la peinture.



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